Les haies en Puisaye

LES HAIES EN PUISAYE :
FAUT-IL PRÉSERVER CELLES QUI SUBSISTENT ?
LA RÈGLEMENTATION ACTUELLE LE PERMET-ELLE ?

Ce document d’information et de vulgarisation juridique est diffusé par APROLOING, Association pour la Protection de l’environnement du bassin du Loing en Puisaye.

QUEL EST L’INTÉRÊT DE CONSERVER DES HAIES ?

Les haies font partie du patrimoine commun de la Puisaye. Depuis des décennies, la Puisaye, pays de forêts, d’étangs et de bocages voit son paysage défiguré par l’arrachage abusif de ses haies.

Incontestablement, les haies ont une fonction importante dans l’environnement :

  • INTÉRÊT POUR LA FLORE ET LA FAUNE : En constituant un véritable écosystème nécessaire à la reproduction et à l’alimentation de toute une faune sauvage et du gibier en particulier ; c’est un refuge contre les intempéries et les prédateurs ; c’est un réservoir pour une flore très diversifiée.
  • INTÉRÊT AGRONOMIQUE : En protégeant les jeunes plants contre les effets du vent. Elles freinent l’érosion éolienne de sorte que les sols sont mieux conservés. En hiver, elles protègent des congères.
  • INTÉRÊT HYDRAULIQUE: Elles ralentissent les ruissellements de surface d’où leur rôle contre les inondations. Leur effet de filtrage permet l’élimination des polluants d’origine agricole. Elles favorisent par infiltrations l’alimentation des nappes phréatiques.
  • INTÉRÊT ÉCONOMIQUE : Productions de bois, de piquets, de fleurs mellifères. Elles contribuent à particulariser le paysage local et la qualité de vie, ce qui n’est pas étranger à notre attachement à la région. Elles permettent de s’adonner à la chasse, aux randonnées et favorisent le développement des gîtes ruraux, des résidences secondaires, du tourisme…

Les haies, le bocage, apparus en Puisaye avec le développement de l’élevage, ont fait la réputation de cette région, en particulier au travers de l’œuvre de Colette.

Haies conservées au bord d'une route

QUELS TEXTES EST-IL POSSIBLE D’INVOQUER POUR ASSURER LA PRÉSERVATION DES HAIES EN PUISAYE-FORTERRE ?

Longtemps les haies n’ont pas eu d’existence juridique. Elles n’ont pas de références propres aux cadastres. Elles sont en effet intégrées à l’une des parcelles qu’elles bordent. Elles n’ont pas d’assiette foncière ; elles ne sont visées par aucune imposition spécifique.

Fort heureusement, la législation et la jurisprudence évoluent ; en voici quelques exemples :

LA LOI DU 10 JUILLET 1976 (voir journal officiel [1.0.] du 13.07.76 page 4.205) pose le principe de la protection de la nature, de la préservation des espèces naturelles et des paysages. Il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde du patrimoine naturel dans lequel il vit.

Ce texte a servi de point d’appui à la création, sur initiative associative, des conservatoires de sites naturels dont le conservatoire bourguignon (C.M.B.S.) qui gère en Puisaye le marais des Proux dans la vallée du Branlin1. C’est cette loi qui a introduit dans les procédures de remembrement l’obligation de procéder à des études d’impact sur l’environnement dont les haies sont bien naturellement un élément important.

LA LOI DU 8 JANVIER 1993 (voir J.O. du 09.01.93 page 503) considère le paysage comme relevant du patrimoine commun. Personne ne peut individuellement s’en prétendre propriétaire.

Désormais, les plans d’occupation des sols dit P.O.S. doivent prendre en compte la préservation de la qualité des paysages et la maîtrise de leurs évolutions. Ainsi, dans le cadre de l’élaboration ou de la révision d’un P.O.S., comme dans celui de l‘attribution d’un permis de construire, chaque Maire peut imposer des prescriptions de nature à assurer la protection du paysage et, par voie de conséquence, des haies.

Cette observation est très importante sur le plan de la préservation des haies. En effet, les dispositions prévues dans un P.O.S. ne sont pas arrêtées par le Préfet, mais par le Maire et son Conseil Municipal après délibérations et enquête publique. Le Préfet ne peut vérifier que la légalité de l’opération.

Ce moyen est malheureusement rarement utilisé par les Maires de Puisaye ; seuls, quelques uns se sont engagés dans une telle démarche.

Cette loi de 1993 (article L-126-6 du Code Rural) permet encore au Préfet de classer comme espaces boisés à protéger, les arbres isolés, haies, réseaux de haies, plantations d’alignement… soit à l’issue des travaux de la commission communale de remembrement, soit à la demande des propriétaires à titre individuel (lire pour les conditions à remplir le décret d’application du 28 avril 1995 (voir J.O. 30.04.95 page 6768).

LA LOI DU 2 FÉVRIER 1995 (voir J.O. du 03.02.95 page 1840) relative à la protection de l’environnement abroge l’article du code rural qui reconnaissait à l’agriculteur le droit d’exécuter librement des travaux d’améliorations culturales et d’améliorations foncières, sans l’autorisation du propriétaire.

Désormais, seuls les travaux d’améliorations culturales peuvent encore être exécutés pendant la durée du bail sans l’autorisation du propriétaire. Par contre, tout ce qui constitue des travaux d’améliorations foncières tels que supprimer des haies, des rigoles, des talus, des arbres… ne peut être réalisé qu’après autorisation du propriétaire, et ceci, sans qu’il soit nécessaire d’avoir prévu une clause dans le bail.

Un propriétaire peut donc invoquer la loi de 1995 pour s’opposer à l’arrachage des haies (lire dictionnaire permanent agricole septembre 1998 -pages 244 et 245- § 234).

Rappelons par ailleurs que le Préfet peut prendre un arrêté de protection de biotope pour interdire ou réglementer les actes portant atteinte à l’équilibre biologique des milieux. Sont citées notamment les destructions des talus et des haies (voir réponse ministérielle n° 8936- 1.0. Sénat- Q – 26-07-90 page 1644).

Encore un point intéressant de cette loi de 95 avec les modifications qu’elle apporte aux articles L-200-1- et L-200-2- du code rural. Le premier édicte que les paysages font partie du patrimoine commun de la nation et que leurs protections, restaurations, sont d’intérêt général. Le second article pose le principe du droit à un environnement sain… il est du devoir de chacun de veiller à la sauvegarde et de contribuer à la protection de l’environnement… les personnes publiques et privées doivent dans toutes leurs activités se conformer aux mêmes exigences.

Ces deux articles du code rural peuvent et doivent être rappelés par le Maire et toute personne désireuse de s’opposer à l’utilisation d’engins mécaniques inadaptés pour des travaux de tailles (par exemple sous les lignes EDF, téléphoniques ou encore sur les haies en bord de route). Ces travaux déchiquètent trop souvent les haies. Les plaies importantes favorisent la maladie, les moisissures et risquent de transformer les haies en ronciers.

LE MILIEU AGRICOLE BÉNÉFICIE DE SOUTIENS FINANCIERS pour l’inciter à préserver, entretenir, replanter des haies. A titre d’exemple, notons la mise en place par la réforme de la politique agricole commune (P.A.C.) de 1992, d’indemnités versées aux agriculteurs s’engageant à remplir des objectifs environnementaux dans le cadre de leurs exploitations.

C’est encore la création de primes à l’herbe pour la production de bovins allaitant avec certaines obligations, dont entre autres, l’entretien des haies.

Plus récemment, avec la loi du 9 juillet 1999 (voir 1.0. du 10.07.99 page 10.231) possibilité sur la base du volontariat de conclure des contrats territoriaux d’exploitations (C.T.E.) dans lesquels peut figurer l’engagement de préserver, entretenir les haies, avec en contrepartie une aide financière.

CITONS POUR CONCLURE LA RÉDACTION D’UNE CHARTE DE L’ENVIRONNEMENT (la définition de cette charte a été précisée par circulaires dont celles du 15.05.90 n° 823-94/97 du 30.06.96 au B.O. du Ministère de l’Équipement).

Il s’agit de l’engagement solennel d’une collectivité à œuvrer dans le sens d’un développement durable. Ce contrat est élaboré dans la concertation avec les élus, les partenaires actifs et la population sur un projet commun qui concerne toutes les facettes de la politique locale avec leurs implications sur l’environnement afin de conduire à une gestion plus respectueuse de l’environnement du territoire considéré2.

La charte nécessite le consensus des élus, la coordination par un des services de l’État (DIREN, DDE, DDAF) ; elle est validée par le Préfet.

Bien évidemment, une telle charte de l’environnement faciliterait la tâche des élus pour assurer la préservation de ce qui subsiste du bocage poyaudin. C’est dans cet esprit que l’Association APROLOING et d’autres associations de protection de l’environnement, la réclament depuis plusieurs années… mais en vain, à ce jour .

APROLOING a rédigé et adressé ce document d’information et de vulgarisation juridique à ses adhérents et aux élus de Puisaye/Forterre. L’Association espère que certaines informations emporteront la conviction que, bien qu’imparfaits, les moyens législatifs et réglementaires de préservation des haies existent.

L’Association APROLOING est bien consciente qu’un changement des méthodes culturales actuelles en relation avec des phénomènes économiques et agricoles, ne peut se résoudre que dans la concertation entre élus, exploitants agricoles, propriétaires fonciers, résidents et associations de protection de l’environnement.

Certes, chacun doit apporter sa contribution active, mais il y a urgence à intervenir, si nous ne voulons pas que la Puisaye-Forterre ne soit définitivement transformée en ce qui pourrait ressembler à la Brie ou à la Beauce.

Il s’agit d’un patrimoine commun et d’une qualité de vie que dans quelques années d’autres régions ne manqueront pas de nous envier… Si nous savons conserver durablement ce qui en reste.

N’hésitez pas à communiquer vos observations à l’Association APROLOING – Saint Martin des Champs – 89170 SAINT FARGEAU.

Le 28 octobre 1999 Robert BROCHUT
Président d’APROLOING
Magistrat Honoraire

1 En Bourgogne, existent trois réserves naturelles :
– Bois du Parc (89) ;
– La Teuchère Ratenelle (71) ;
– Val de Loire (58-18).

2 La seule charte de l’environnement visant un territoire rural en Bourgogne est celle du département de la Nièvre. D’autres chartes urbaines existent : celles de Chalons sur Saône, Longvic, Mâcon et Nevers.

Nota : Ce document peut être, dupliqué et communiqué à toute personne intéressée par la protection de l’environnement.

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2 commentaires pour Les haies en Puisaye

  1. Gwen dit :

    Très bon article, très intéressant. J’aime beaucoup votre site.

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